
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
Auto prise électrique de tête
- MaLo chouchou…
- Mh ?
(Quand votre mari vous appelle par votre diminutif, la méfiance est de mise. Quand il y ajoute un petit nom d’amoureux, si vous n’avez pas de moyen de fuite à votre disposition, feignez l’indifférence)
- Nous sommes quoi, tu crois ?
- Comment ça, quoi ?
(Là, vous venez d’entendre une question tellement ouverte qu’elle ne présage rien de bon. Répondez par une autre question. N’oubliez pas de garder un ton indifférent)
- Bin oui, sommes-nous modernes ? A la page ? Vivons-nous avec notre temps ?
- …
(Cette question sent la future acquisition à plein nez. Ne répondez pas.)
- MaLo ?
- Mh ?
(Le malin singe a compris que le stratagème amoureux était trop flagrant. Il la refait, comme on dit dans le cinéma. Ici, la meilleure parade est de couper court et de parler du dernier bulletin du petit dernier. Mais je suis une femme curieuse et mon Jean-Kévin me connaît bien. Il vous faudra donc vous priver de mes conseils pour la suite et soyez sûrs que je le regrette !)
- Nous sommes des gens modernes. Nous vivons avec notre temps. Nous sommes conscients des enjeux de notre société et nous tentons de faire notre petit possible au quotidien.
- …
- Non ?
- Si, si…
- Et il se passe quoi, précisément en ce moment ?
- La fonte des neiges ?
- Non, non, à Bruxelles !
- Je ne sais pas moi, chouchou. Tu sais, pour le bulletin du pet…
- Le salon de l’auto !
- Hein ?
- C’est le salon de l’auto !
- How ! Mais comment veux-tu que je pense à ça ? Nous n’avons pas besoin d’une voit…
- Eh bien si ! Justement, nous avons besoin d’une voiture ! La mienne est vieille, on ne trouve plus nulle part de la super avec plomb et tu sais quoi ?
- …
- Tu sais quoi ?
- Non, je ne sais pas quoi ? Quoi ?
- Bientôt, il n’y aura plus d’essence tout court.
- Oh…
- Ca sera bien, dans un sens.
- Oh…
- Oui, on ne pourra plus polluer avec les voitures.
- Oui mais…
- Mais nous, nous allons refuser de collaborer davantage à cette pollution. Nous allons arrêter de brûler nos maigres ressources !
- …
- …
- JeanKé chouchou, tu as été licencié ? Tu essayes de me dire que tu n’auras plus besoin de voiture parce que tu es renvoyé ?
- Non ! J’essaye de t’annoncer une bonne nouvelle ! Nous allons acheter un véhicule électrique !
- Ouf, je suis soulagée !
Et voilà, les amis. Voilà comment un homme parvient à obtenir ce qu’il veut.
Depuis vendredi:
- J’ai demandé à Jean-Kévin de me brancher la console et j’ai repris le sport (je vous en parlerai). De surcroit, je me suis remise à la marche à pieds, parce que plus jamais, non, plus jamais je ne serai humiliée comme je l’ai été le jour où, après avoir étrenné notre nouvelle voiture, nous avons dû faire appel aux pompiers pour m’en extraire.
- Nos enfants marchent également pour gagner leur école. Ils nous lancent un regard haineux chaque matin en partant et j’ai pu découvrir avec effroi la signification du mot « gênage ».
- Mon Jean-Kévin a été traité 3 fois d’alcoolique, 4 fois de looser, gratifié 1 fois de « pauvre type, retourne dans ton kinder » et 1 fois de « vous allez au stade ? C’est vous le ballon ? ».
- Nos voisins nous jettent des regards désolés. L’un deux a demandé hier à mon mari : « tu en as pris pour combien » ?
- Nous avons fait sauter les plombs du Cottage et nous avons dû siphonner le réservoir de notre chère voiture à essence pour faire tourner notre groupe électrogène durant tout un week-end.
Mais nous sommes des pionniers. Des avant-gardistes. Et je dois dire que quelques fois, quand je regarde mon Jean-Kévin parler à notre ancien véhicule avec un petit quelque chose de triste dans le regard, je me dis que oui, le progrès a un prix et qu’il est parfois bien élevé.
Finalement, vivre avec son temps pour construire l’avenir, ça ne vaut pas une bonne tisane devant la cheminée. Nos parents avaient bien de la chance !