
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
De la balle au bal
Les plus attentifs d’entre vous le savent : je déteste avoir à fouiner dans la chambre de mes enfants. J’aime respecter leur intimité et surtout, je redoute chaque fois les découvertes que j’y ferai.
Mais les plus responsables d’entre vous le savent aussi: il est des moments dans la vie d’un parent où il faut savoir dépasser ses réticences et répulsions et affronter le dessous d’un lit ou le fond d’un placard.
Certaines de mes découvertes traumatisantes sont toutefois venues au secours de mon Jean-Kévin, qui a toujours tenté de me dissuader de regarder sous la couche de mes chéris, sous prétexte que c’était une violation de leur vie privée. Ce à quoi j’ai toujours répondu (et je le pense encore) que je préférais l’ignominie à l’invasion de rongeurs.
Mais soit, si j’ai donc renoncé à la fouille, ce qui a passablement augmenté le budget familial « chaussettes », je ne me suis pas pour autant désintéressée de la vie de mes enfants. J’ai décidé de les observer dans leur milieu naturel.
C’est ainsi qu’il m’arrive de les accompagner en train à l’école. Parfois, je m’arrange pour prendre rendez-vous avec l’un ou l’autre de leurs professeurs à l’heure de la récréation. J’accompagne les voyages scolaires et je ne désespère pas d’assurer un jour la pitance de leurs congénères scouts lors d’un futur camp d’été.
Je dois dire que la chose passe plutôt bien. Oh, je n’irais pas jusqu’à dire que mes observations leur font plaisir, mais depuis que leur père leur a parlé de leur chambre, ils les prennent avec une certaine philosophie. Ils ont juste exigé que j’utilise mon nom de jeune fille, ce qui satisfait mes penchants féministes, au grand dam de mon Jean-Kévin. Un bon compromis donc.
Des voisins nous ont récemment offert l’opportunité rêvée de connaître davantage notre fille : un bal de jeunes auquel elle était conviée.
Comme nos voisins sont par définition nos amis, j’ai bien entendu proposé mes services à la maîtresse des lieux, qui s’est empressée de me préposer à la vaisselle. Ce qui ne manquera pas de lui attirer mes moqueries pendant un certain temps, puisque cette grande distraite n’avait pas songé que les boissons étaient servies dans des gobelets en plastique. Ma satisfaction d’avoir ainsi tout le loisir d’observer ma fille a vite pris le pas sur ma déception de ne pouvoir me rendre utile. Mon amie a eu beau insister pour me confier d’autres tâches en cuisine, je l’ai vite rassurée et me suis rendue dans le vif de mon sujet d’investigation. J’ai donc pris quelques verres pour me donner du courage et je suis allée me déhancher sur la piste de danse.
Eh bien les amis, si cette soirée fut instructive, elle fut aussi décisive.
Que ma fille porte de très-mini-jupes, passe encore, puisque ce vêtement est désormais invariablement accompagné de ces affreux leggings qui protègent la pudeur. Que nos jeunes s’éclatent aux sons de musiques d’un autre âge, même si moi-même je ne les aimais pas quand j’avais le leur, soit. Après tout, cela vaut mieux que tous ces rappeurs et autres victimes de tortionnaires, obligées de se déhancher en hurlant de douleur.
Que des gamins boutonneux exhibent leur slip en levant les bras, je peux aussi le tolérer. Après tout, ils en portent.
Ce que je ne veux plus avoir à supporter, les amis, c’est qu’on m’insulte. Je sais que j’ai quelques rondeurs. Je les assume d’ailleurs assez bien. Mais quand j’ai entendu ses petits camarades dire à ma fille : « Ta mère, c’est de la balle ! », mon sang n’a fait qu’un tour.
Dorénavant, j’irai rechercher le linge de mes enfants sous leur lit. Ne fut-ce que pour leur prouver que je peux le faire !