
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
Qui fait le malin se retrouve en grand saint
« Cette année-ci, tu portes la barbe et la mitre pour la Saint-Nicolas de mon club de lecture ». Quand Marie-Loana me parle sur ce ton, je sais que sa décision est sans appel. Et vu mes réflexions soi-disant désobligeantes sur ses exploits Wii-tiens, je préfère faire profil bas. Ce qui signifie donc que le 6 décembre, pas question de bulles ni de Cara pour moi : je suis condamné à la tisane de bergamote, ou à l’extrême limite à quelques gouttes de Kidibull… « Ce n’est pas parce que le père Noël est une ordure que Saint-Nicolas doit terminer la tête dans la poubelle, surtout devant des enfants », m’a déjà prévenu Marie-Loana.
Donc me voilà par un samedi pluvieux en route pour dénicher ce fameux déguisement. Oui mais, une pelisse de Saint-Nicolas, ça se trouve où ? Fidèle à moi-même, je la joue pragmatique. Si Saint-Nicolas ne vient pas à toi, tu iras à Saint-Nicolas. Et tu en profiteras pour lui demander qui est son tailleur. Mon bridge d’hier soir ayant été particulièrement disputé, je me sens un peu cotonneux, limite nauséeux. L’atmosphère survoltée et brouhahaesque de ma galerie commerçante favorite n’arrange rien. Après avoir enfin déniché le trône du grand saint et pour éviter d’aggraver mes tourments migraineux, je décide de court-circuiter la file de parents et enfants qui serpente sur quelques dizaines de mètres. Après tout, Nico et moi on est presque collègues !
Mais manifestement, ce n’est pas du goût du père de famille à la carrure impressionnante qui patiente depuis près de 45 minutes. Et après m’avoir annoncé que « moi, les resquilleurs, je les envole ! », il me prouve qu’il est un homme de parole, tout cela pendant que son petit Jason termine d’arracher la tête du phoque en peluche censé décorer l’endroit. Résultat, je me mue à mon tour en élément de cet univers féérique, la tête sous l’ours et les pieds sur les bois du renne. Ce qui ne m’empêche pas d’entendre le même petit Jason affirmer à Saint-Nicolas « T’as un gros nez et tu pues le vieux pipi, comme la bobonne de maman » juste avant que le père fouettard me suggère subtilement de ne pas insister.
Soyons de bon compte : cette malheureuse expérience aura fait disparaître mes palpitations post bridge et m’aura permis de retrouver toute l’acuité de mon esprit qui me souffle LA solution. A savoir un magasin de déguisement de ma connaissance, celui-là même où Marie-Loana avait déniché de quoi se transformer en pot de gelée aux groseilles pour le bal déguisé qui clôturait cette année la nuit de la confiture ! Pour éviter de flotter dans ma barbe, j’essaie mes atours de Saint-Nicolas avant de les acheter. Mauvaise idée, puisque mon tweed et mon pantalon en flanelle sont déposés négligemment sur le poêle à bois qui fait la renommée de l’endroit. Et comme il n’y a pas de fumée sans feu, mes beaux vêtements sont désormais noircis, troués et immettables. Il n’y a pas d’autre issue si je veux rejoindre Marie-Loana. Vêtu de Saint-Nicolas je suis, vêtu de Saint-Nicolas je resterai. Ce qui explique mon retour vers le Cottage tout de rouge vêtu.
Pour la plus grande joie des passants de moins de 10 ans, le vent puissant de ce samedi soulève excentriquement ma chasuble. Les enfants savent désormais que leur saint patron a le mollet velu et porte un slip kangourou. Ma barbe s’est coincée dans la portière et la crosse m’empêche de passer la quatrième vitesse. Ce soir encore, je serai en retard au Cottage.
Ah oui, au fait : je hais Saint-Nicolas.