
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
Fight Club (de lecture)
Le dimanche dans le salon familial, devant un bon feu de cheminée, mes sœurs et moi écoutions maman nous raconter des histoires.
Ce moment fait partie de mes souvenirs les plus doux mais aussi les plus durs. Car c’est lui qui fit naître en moi un esprit de compétition dont je me repens encore chaque jour.
C’était à celle qui arriverait la première sur les genoux maternels. Nous nous disputions ensuite l’honneur de tourner les pages et celle qui ne trouvait pas place dans le divan se savait condamnée à regarder les images à l’envers.
Il faut le reconnaître : j’en ai gardé quelque chose.
Lorsque je me rends au club de lecture, après les salutations d’usage, je cours dans le salon de l’hôtesse du jour et il m’est arrivé quelques fois de me surprendre en train de regarder ses genoux avec une certaine envie.
Bien entendu, je me retiens, mais cette entrée en matière fait immanquablement remonter en moi des sentiments mélangés, faits d’excitation et de rage.
D’habitude, c’est sans conséquence sur le déroulement de notre réunion. Mais vendredi les événements ont pris une tournure qui me fait en ce moment encore monter le rouge aux joues.
C’était chez Caroline que nous nous rendions cette fois. J’étais encore parvenue à garder mon calme malgré une place peu enviable face à notre hôtesse. Mais cette dernière avait choisi pour la séance de ce vendredi un thème fort à propos : les contes de notre enfance.
Ayant raté notre dernière réunion parce que je recevais un visiteur ce jour-là, j’ignorais totalement que nous revisiterions hier soir ces histoires qui résonnaient en moi comme autant de souvenirs doux-amers.
Caroline avait tout prévu. Le sapin était déjà décoré et un feu de cheminée crépitait doucement dans la lumière tamisée du salon. Elle avait poussé le sens du détail jusqu’à poser devant la cheminée des pantoufles, une petite goutte pour le Grand Saint et du sucre pour son âne.
J’étais juste à côté de ce décor nostalgique et entre le Petit chaperon rouge et Peau d’âne, j’ai craqué. J’ai pris le verre destiné à Saint Nicolas et je l’ai bu. D’une traite. Et je n’ai pu retenir un cri d’exaltation tant le breuvage était bon.
D’abord gênée, je repris bien vite un air digne et demandai à mon amie étonnée : « Caroline, mais c’est dé-li-cieux ! Qu’est-ce donc ? ».
Caroline, qui a souvent loué mes talents gastronomiques, sortit avec fierté une bouteille d’eau-de-vie de betterave qu’elle avait fabriquée elle-même.
Toutes les convives voulurent y goûter. J’en repris moi aussi et je profitai de la confusion pour prendre place dans le divan à côté de mon hôtesse. Chose que Madeleine, dont c’était la place, prit avec grand déplaisir. Elle tenta d’intercaler son séant entre le mien et celui de Caroline, en vain. Visiblement peu habituée à boire de l’eau-de-vie, elle était rouge d’indignation. Elle me poussa, me pinça et me tira les cheveux !
S’en suivit ce que je dois bien appeler une bagarre généralisée. Il faut dire que Madeleine, dont le fessier a quelque chose de pachydermique, a pour habitude de prendre systématiquement la meilleure place lors de nos réunions. Et je fus heureusement surprise de constater que je n’étais pas la seule à ressentir à son égard ce qu’il faut bien appeler de la jalousie.
La suite de la soirée fut pour moi l’occasion de découvrir que Martine avait longtemps fait du karaté et que Colette avait gardé une souplesse que bien des jeunes lui envieraient.
Les dents de Claudette sont acérées, les ongles d’Angèle également. Arlette aime les bas autoportants et Sophie ne s’épile pas les mollets.
C’est quand nous découvrîmes que Caroline n’était pas blonde mais portait une perruque que la bataille s’arrêta net. Cette fois, notre passion nous avait emportées au-delà des limites de l’acceptable.
Après avoir rassuré Caroline sur la beauté de ses cheveux, nous avons rangé son salon en terminant la bouteille d’eau-de-vie et en écoutant des comptines.
Chacune à notre tour, nous tournions les pages du livret au son de la clochette et la soirée se prolongea dans une belle communion.
C’est les yeux brillants d’émotion que je quittai mes amies, forte d’une certitude : les contes de notre enfance ont fait de nous des adultes capables du meilleur.
L’esprit de Noël entre dans nos chaumières !
Vos arguments percutants
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