Parle un peu correct, dis!

« D’un point de vue purement transcendantal, l’altérité dichotomique mène à une démarche heuristique et salutaire aussi pure que les plus valeureux représentants de l’hésychasme ».

Certes… Peut-être est-ce parce que je suis un pur produit de notre chère Wallonie, terre d’opportunités et même bientôt d’identité, mais j’avoue que la prose de certains me laisse rêveur. Car malgré ma maîtrise parfaite de toutes les difficultés et subtilités du langage administratif pratiqué tous les jours dans l’Eglise du Renouveau charismatique fiscal de Monsieur Reynders, j’ai des difficultés assumées à comprendre la pensée de certains. Et en particulier les ceusses dont le langage est manifestement réservé à un cercle très restreint d’heureux élus qui, j’en suis sûr, doivent être très fiers de ce privilège.

Si j’étais mauvaise langue ou persifleur, j’insinuerais que leurs phrases ont été composées en ouvrant au hasard les pages de leur dictionnaire pour repérer les mots les plus inattendus qui seront soigneusement recopiés et assemblés. Et que la sophistication exagérée de ce type de causettes a surtout pour but de donner un air vaguement intelligent à du n’importe quoi. Un peu comme un artiste incompris mais néanmoins besogneux qui crache son fiel sur l’humanité. Une humanité qui, à l’exception de dix-sept élus supérieurement intelligents, n’est pas assez éclairée pour comprendre et apprécier son travail de la volute exécuté avec pour seule matière première le noyau cartonné de rouleaux de papier WC. Mais malgré que cette information risque de plomber la soirée de cet artiste si injustement ignoré, je sais de bonne source (Dieu est un de mes camarades occasionnels de beuverie) que même après sa mort, il n’aura jamais droit à la gloire qu’il estime méritée, amputation des oreilles ou pas.

Non, je reste sur mes positions… Malgré certaines de mes poses péteuses auto assumées, je préfère de loin entendre au coin d’un bar « Et si on faisait une petite sœur à ta tournée ? » plutôt que « La mitose cellulaire dont la multiplication aboutira à l’émergence de la vie mérite que soient questionnées ses composantes éthiques, à plus forte raison lorsque son épanouissement résulte d’un processus artificiellement contrôlé, peu importe que les atermoiements en résultant n’aient suscité que guère d’écho auprès de la communauté scientifique, intellectuelle, morale et philosophique ».

Bon évidemment, affirmer haut et fort mes convictions va toujours plus me radicaliser et faire accessoirement de moi le Baader d’Arlon. Il faut que je me fasse une raison : en refusant d’être bilingue français – ‘languedespéteuxquiontunQIquitue-etquiveulentqueçasesache’, la probabilité que je débatte avec André-Kévin L. des problèmes de porosité des sachets sandwiches Delhaize devient infime. Par contre, mes chances de terminer une soirée houblonnée à parler de foot ou même de politique avec un parfait inconnu au nez rouge et au teint couperosé restent intactes.

Je vous laisse, je constate que ma réserve de Dafalgan est épuisée et j’ai un dictionnaire à terminer.