
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
Les recettes de tonton Jean-Kévin
Le Cottage… Même si le nom que nous avons choisi pour baptiser notre modeste masure fleure bon l’esprit vintage, si pas rétro… ou même le vieillot comme l’affirment certaines mauvaises langues dont soit dit en passant les papilles exhalent l’envie et la jalousie, Marie-Loana et moi sommes un couple résolument moderne.
Pensez-vous que Geneviève de Fontenay pratique le fitness sur tapis cathodique ? Véritable icône geek, Marie-Loana en a fait son quotidien. Lorsqu’il y était question de littérature, vous trouviez les plateaux de Monsieur Ardisson aussi tendance que trash? Un trashisme qui ne faisait d'ailleurs qu’accentuer ce côté tendance, et cela malgré la présence de Laurent Bauffie. Mais cher amateur du politiquement incorrect et des belles lettres, avez-vous déjà fréquenté notre club de lecture ? Je vous le conseille vivement, car sous des apparences bel empire en trompe-l’œil se blottit une sauvagerie prête à exploser à chaque instant. Et qui transforme des mères de famille respectables en harpies assoiffées de sexe, de sang, de rock and roll poisseux et d’alcool frelaté. Quant aux naturistes de Woodstock qui affirmaient ne vouloir se soumettre à aucune règle avant de muter quelques années plus tard en yuppies flamboyants, ont-ils déjà goûté à la morsure du froid sur leur corps grelottant et affichant à certains égards une courbe plus que rentrante ? Sous ses aspects bon enfant, un Noël au Cottage est un véritable manifeste à la non-conformité, avec ou sans sapin.
Notre petite touche hype se manifeste aussi dans la vie de tous les jours. Ce qui explique d’ailleurs que même si Marie-Loana est ce que l’on appelle vulgairement une femme au foyer, il m’arrive de temps à autres de pousser les portes de la cuisine pour m’adonner sans retenue à l’art culinaire. Mais avant de vous parler de mes plus belles créations, je précise tout de suite qu’être l’époux d’une femme au foyer ne fait pas pour autant de moi Le Landru des Ardennes.
Malgré l’attrait qu’il exerce irrésistiblement pour tout qui se dit membre de la famille des humains, quittons une fois pour toutes le catalogue des feux ouverts pour revenir à des nourritures aussi spirituelles que réelles. Car en toute modestie, je pense incarner la fusion parfaite entre Botticelli et William Saurin. En d’autres termes, je suis à la parfaite croisée des chemins entre haute gastronomie et pureté de l’art. Et avant de vous expliquer par le détail une de mes plus belles œuvres en cuisine, sachez que son fumet a arraché le seul et unique orgasme qui ait jamais électrisé le corps éminemment peu glamour de Barbara Bush.
Tel un cinéaste plantant le décor de l’opus de sa vie, je commencerai par décrire mes outils. Un ouvre-boîte. Un four à micro-ondes. Une poêle. Deux taques de cuisson.
Place maintenant aux ingrédients. Des boîtes en fer blanc qui, pareilles à François Bayrou un soir d’élections françaises, quémandent un peu d’ouverture à gauche ou à droite. Un pot de ketchup millésimé 1987. Quelques tranches de lard… Et c’est parti pour une expérience sensorielle unique que Monsieur Bocuse lui-même ne renierait pas.
Le premier acte fort que vous poserez sera de placer la première boîte en fer blanc – celle dont l’étiquette déteinte annonce fièrement « Goulash à la hongroise » – dans le micro-onde, celui-là même qui peut servir à réchauffer plus que de raison votre animal domestique préféré. La jolie gerbe d’étincelles qui l’illuminera vous apprendra que vous n’aurez plus besoin de ce four qui transforme les molécules plus qu’il ne les cuit. Mais surtout, vous obtiendrez la cuisson idéale pour bien démarrer ma légendaire recette. Froid, tiède et brûlant se marient à merveille avec la finesse du mets qui servira de base à votre festin.
La deuxième étape de votre excursion au pays du bon sera balisée par le lard, la poêle et les taques. Posez les tranches dans la poêle et chauffez jusqu’à ce qu’elles se teignent d’une délicate couleur noire. Ne vous laissez pas intimider par l’épaisse fumée qui risque d’envahir votre cuisine : elle participe à la réussite de l’expérience. Profitez-en plutôt pour arroser le tout avec générosité de la purée de monsieur Heinz, troisième du nom. Attendez patiemment que le couche inférieure de ketchup se solidifie et prenne la même couleur sombre que le lard. Réduisez quelque peu le feu et laissez cuire 5 minutes supplémentaires. Récupérez le jus de cuisson et versez-le dans la goulash. Mélangez et ajoutez un zeste (50 cl) d’huile de tournesol sublimée par de la poudre Nesquick… Servez ou mangez le tout à même la casserole.
Les puristes déclencheront même une salve supplémentaire de bonheur en dégustant ce festin à même la boîte et la poêle, le tout délicatement installé sur vos genoux et le fessier calé dans votre meilleur sofa.
Et pour vomir ? C’est la première à droite.