
Marie Loana et Jean-Kévin, vos nouveaux modèles
Stupeur et ronflements
- Chéri ?
- Mh
- Tu ronfles
- Mais non, je ne dors pas
- Tu ronfles je te dis, tu ne dors pas parce que je viens de te réveiller, mais juste avant, tu ronflais
- Bon, je peux dormir maintenant que toi, tu ne dors plus ?
- Je ne dormais pas, tu ronflais
- A mon avis, tu as été réveillée par tes propres ronflements. Pourquoi tu crois que je ne dormais pas, moi ?
- …
- Jean-Kévin, tu ronfles !
- Bon, j’ai compris, je vais dans le divan. Mais je te préviens, tu entendras toujours des ronflements.
- …
Les amis, je n’en peux plus. Mon Jean-Kévin ronfle et ça lui donne des maux de dos parce qu’il refuse d’acquérir un nouveau divan. Ce qui bien entendu met à mal bien des aspects de notre vie intime sur lesquels je n’ai pas l’habitude de m’appesantir, mais vous aurez compris.
Je me souviens que petite, j’assistais régulièrement à des discussions houleuses entre mon père et ma mère, qui avaient fini par me prendre à témoin. C’est comme ça que j’ai une nuit partagé la couche conjugale de mes parents, ce qui à 16 ans avait quelque chose d’un petit peu dérangeant. « Ma fille, à 6 ans, tu n’aurais pas rechigné », avait vainement insisté ma mère, dont l’une des interpellations lors d’un petit déjeuner animé avait été plus porteuse : « si un jour un homme te menace de te quitter parce que tu ronfles, dis-toi bien qu’il te rend service ».
Car mes amis, je suis une grande sentimentale. A l’idée de cette menace, mon sang ne fit qu’un tour et ce soir-là, je fus la première au lit, bien droite au milieu.
Bien entendu, je dormis à poings fermés et je n’entendis rien. Mais le lendemain, quand mes parents me demandèrent dans un bel ensemble : « alors ? », je répondis, candide : « vous ronflez tous les deux, c’est infernal, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ».
J’y gagnai un jour de congé à la maison et la vision enchanteresse d’une union parfaite : celle de mes parents qui chaque soir que Dieu fit depuis se répétaient un « Chou, n’oublie pas les boules quiès » qui me remplissait d’aise et me gonflait d’orgueil.
Mais ici, le problème est tout autre. Mon Jean-Kévin ronfle et m’accuse de lui provoquer des lombalgies avec ma mauvaise foi. J’ai bien essayé des décoctions à la cannelle, des tisanes à la bergamote et des onguents à l’argile de Mongolie, rien n’y fait. Les boules quiès ont un effet curieux : on dirait que les ronflements redoublent d’intensité. S’il n’était pas si maigrelet, je soupçonnerais mon mari d’augmenter leur puissance juste pour m’empêcher de dormir.
Je vous le dis, cette histoire va finir par me convaincre qu’en préparant leurs ouailles au mariage, nos curés devraient penser à parler de la chose en évoquant le pire.
Mais je vous laisse. J’ai promis au petit de lui faire ses devoirs toute la semaine pour qu’il dorme avec nous. Je dois aujourd’hui disserter sur « Le mariage est et restera le voyage de découverte le plus important que l'homme puisse entreprendre” de Monsieur Kierkegaard, un homme de cœur qui savait certainement de quoi il parlait, puisqu’il épargna sa fiancée pour épouser le célibat.